GUERRE EN UKRAINE « Faire face à la peur ».

 



Il est tout à fait normal d’avoir peur dans ce contexte inédit et sur la scène du conflit armé. La peur est réelle car le contexte est imprévisible. On ne peut pas contester la gravité des évènements et le caractère éminemment dangereux de la situation.

90% des français sont inquiets par la guerre en Ukraine selon une récente enquête du Cevipof et de la Fondation Jean-Jaurès et mes premiers patients inquiets arrivent en consultation. Extension du conflit, peur existentielle de la guerre nucléaire, conséquence sur l’avenir, dégât économique et du confort de vie…

Pour faire face, il nous faut commencer par distinguer nos réactions émotionnelles devant ces évènements. Ce qui nous permet de mieux ajuster les adaptations à mettre en place.

 

Tandis que la peur à un objet (« j’ai peur car je vois devant moi une voiture qui approche rapidement de moi »), l’anxiété est sans objet, c’est dans le mental que la peur se nourri et alimente ses réactions physiologiques. C’est l’anticipation de quelque chose chose qui n’est pas encore arrivé. L’état de sidération est quant à lui un état de figement, un état de stupeur émotive dans lequel on est comme immobilisé, rendant ainsi totalement incapable de réagir et de s'opposer, que ce soit physiquement ou émotionnellement. Cet état est le résultat d’un choc émotionnel important et nécessite un soin approprié. La peur quant à elle est plus facilement maitrisable et l’anxiété nécessite des adaptations comportementales et un éclairage pour la surmonter.

Mais à quoi sert d’avoir peur ?

La peur est ancrée dans notre génétique et elle a bien une fonction comme toutes les autres émotions. Quand la joie sert a reproduire des expériences agréables et à fédérer, la tristesse à accueillir le changement, la colère à restaurer son intégrité et poser ses limites, la honte à ajuster nos comportements sociaux, la peur, quant à elle, nous sert à agir face au danger, trouver des solutions ou des ressources.

Elle nous sert donc à nous mobiliser, imaginer un avenir possible, prendre des options pour soi-même.

Elle peut également nous servir à mobiliser nos forces pour les autres dans la solidarité et déployer nos efforts dans la générosité, le don, le partage.

Alors comment se mobiliser ? Quoi faire ? Comment agir ?

Il nous faut commencer par sélectionner l’information et contrôler la quantité d’information regardée ou reçue : continuer de s’informer évidemment, ne pas regarder d’images choquantes pour éviter le traumatisme vicariant (c’est-à-dire être impacté par le choc comme si on l’avait vécu soi-même), croiser les sources pour éviter les fakes news ou la propagande, pondérer ces informations. En écoutant les médias, on peut entendre une pluralité d’informations avec des pessimistes, des optimistes, des va-t’en guerre, des humoristes…On peut choisir de croiser le point de vue de chacun et en regardant la pluralité des points de vue pondérer l’information reçue.

C’est également l’occasion de valoriser des comportements vertueux pour la planète en projetant l’augmentation du cout de l’énergie, de mieux choisir son alimentation et de consommer local. Mais aussi de renforcer les liens sociaux et les comportements solidaires : accueillir des familles, envoyer des denrées ou des vêtements. Mais aussi aider ses proches anxieux.

https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A15542

Afin d’agir directement sur son état physiologique et de parer au plus pressé, des outils d’aide à la gestion du stress, de la peur ou de l’anxiété, existent. Pratiqués régulièrement et de façon assidue, ils portent leur fruit sur le long terme. C’est une pratique quotidienne qui va permettre de s’apaiser. Méditation de pleine conscience, cohérence cardiaque, respiration au carré … permettent un ralentissement de la respiration et du cœur et de déloquer le système nerveux autonome. La méditation de pleine conscience a cette grande vertu de ramener à l’instant présent et sortir de l’anticipation anxieuse de ce qui n’est pas encore là.

Faire autre chose, se divertir, sont aussi des options importantes car elles permettent d’ancrer des expériences positives en soi et cette éponge émotionnelle positive invite à la détente et à l’apaisement : sortir, voir ses amis, faire du vélo, du sport… Développer sa créativité, écouter la musique, danser, faire du bricolage, occuper ses mains, jardiner, rester en contact avec la nature. Ne pas s’isoler, discuter, échanger, partager, continuer à garder sa légèreté, sa joie de vivre, ses petits moments agréables.

 

Quand l’état de peur est insurmontable et qu’il se transforme en anxiété sans objet particulier ou en état de stress généralisé, ou même quand il plonge dans un état de sidération, l’EMDR est une option de choix. Cette thérapie permet de travailler sur son intolérance à l’incertitude, reprendre le contrôle, identifier le champ des possibles et sortir de l’anticipation de ce qui n’est pas encore arrivé. La thérapie permet également de différencier ce que l’on vit aujourd’hui de son angoisse rapportée du passé : ce qui a été rapporté par ses parents, grands parents et le vécu familial concernant la guerre n’a plus lieu d’exister dans le présent et doit être différencié. En posant ces options, on peut distinguer ce qui est aujourd’hui et ce que l’on a appris de nos ancêtres. C’est un travail transgénérationnel.

 

Quant aux enfants, qui peuvent avoir de nombreuses interrogations face à une crise qu'ils comprennent mal, il faut commencer par leur expliquer comment la peur agit sur leur physiologie, ce qu’ils ressentent, où ils le ressentent dans le corps et pourquoi ils le ressentent. En somme, il faut les aider à regarder comment ça pique, tape, cogne, chauffe dans le corps, où est-ce que cela se situe et expliquer que c’est l’adrénaline qui arrive dans le corps pour activer les muscles et se préparer à agir. Il faut également les rassurer sur le fait que c’est normal d’avoir peur, leur expliquer l’actualité, ne pas montrer d’image, ou les protéger de l’information en fonction de l’âge de l’enfant, sortir du flux d’information, et pour les adolescents arrêter de scroller.

Il convient également de rester attentif à certains signes, qui peuvent révéler un état anxieux : des maux de toutes sortes, des difficultés d'apprentissage, de l'agressivité…

Et de la même manière que pour les adultes, on peut les entrainer à ressentir « l’éponge émotionnelle » des activités qui procurent des sensations agréables.

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