Trois films: trois lectures systémiques de relations familiales.
Fête de famille - 2019 – Réalisé par Cédric Kahn - 1h45
Avec Catherine Deneuve, Emmanuelle Bercot, Vincent Macaigne.
Autour de Catherine Deneuve, suave et lâche, l'acteur-réalisateur
Cédric Kahn fait germer les conflits familiaux sans jamais exclure la
tendresse. Le sol se dérobe progressivement sous les pieds du
spectateur, au fur et à mesure que Cédric Kahn dévoile les
mécaniques implacables de ce drame à la mélodie amère.
On y voit comment une mère qui tente de maintenir le lien entre
tous, ne fait que renforcer les non-dits et ne permet jamais de
clarifier les relations. La fonction de la supposée folie de sa fille
permet à la famille de conserver sa part d’héritage et la place de
chacun, elle permet de laisser vivre la folie des autres. Et
particulièrement celle de son frère qui cache ses excentricités, ses
colères, ses addictions, ses relations aliénantes, derrière celle de sa
soeur. En famille il les enrobe d’un vernis artistique loufoque et
aliénant. C'est le sens de l'approche familiale systémique que de
révéler les comportements apparemment inadaptés de la fille et de
voir comment elle est à la fois une garante de l’homéostasie
familiale et une thérapeute de sa famille. L'enchaînement des plans
coupés vient également rompre la communication là où elle est sur
le point de révéler les failles. La tension monte et retombe au grès
des plans séquences. Cette famille enchevêtrée et à transaction
chaotique s’édifie sur une masse explosive de non-dits, de dénis et
de secrets enfouis qu’il vaut mieux percer avant le point de non retour.
Ce Festen version Sud-Ouest déborde de vie, de chaleur et de
sentiments.
My beautiful boy - 2019 - Réalisé par Felix Van Groeningen - 2h
Avec Steve Carell, Timothée Chalamet, Jack Dylan Grazer
Pour David Sheff, la vie de son fils, Nicolas, un jeune homme
billant, sportif, à l’esprit vif et cultivé, était déjà toute tracée : à ses
18 ans, Nic était promis à une prestigieuse carrière universitaire.
Mais le monde de David s’effondre lorsqu'il réalise que Nic a
commencé à toucher à la drogue en secret dès ses 12 ans. De
consommateur occasionnel, Nic est devenu accro à l'héroïne et
plus rien ne semble possible pour le sortir de sa dépendance.
Réalisant que son fils est devenu avec le temps un parfait
étranger, David décide de tout faire pour le sauver. Se confrontant
à ses propres limites mais aussi à celles de sa famille.
Ce film de Van Groeningen, en plus d’être une claque
émotionnelle, est une véritable mise en lumière de la
problématique addictive au sein des familles. On peut aisément en
avoir une compréhension systémique et comprendre que les
addictions révèlent avant tout des problématiques de dépendance
à l’entourage et une pathologie du lien. Le réalisateur met en
exergue les mécanismes à l’oeuvre dans l’impossibilité de se
séparer, la fonction de la consommation est donc ici de s'éloigner
du père et de la famille, mais en recréant une autre forme de
dépendance. Il y a donc un achoppement du travail de séparation-individuation.
Le compromis est acrobatique entre revendication
d’autonomie et besoin de dépendance dont la représentation
même doit être déniée. Un film fort et sublimement interprété.
Deux Moi - 2019 - Réalisé par Cédric Klapisch - 1h50
Avec Ana Girardot, François Civil, Camille Cottin, Pierre Niney.
Rémy et Mélanie ont trente ans et vivent dans le même quartier à
Paris. Elle multiplie les rendez-vous ratés sur les réseaux sociaux
pendant qu'il peine à faire une rencontre.
Dans ce film, Klapisch décrit avec précision les maux de la société
contemporaine en milieu urbain : dépression, solitude,
psychothérapie, applis de rencontres .... Ils sont voisins, ils ont une
vie similaire, ils se croisent mais ne se voient pas. Le spectateur
est témoin du quotidien de ces 2 vies parallèles.
Le film aborde la solitude qu'engendre la surconsommation des
relations éphémères et l’impossible lien dans les réseaux sociaux.
"Deux Moi" traite avec une vraie sincérité et sensibilité le sens
même de ce qu’est une rencontre et une relation, celle qui se
construit sur le sens, l’affinité, l’alchimie.
Il évoque également les secrets dans les familles marqués par les
traumatismes et met en lumière le sens du patient identifié qui
porte seul la dépression et la psychothérapie d’une famille qui ne
veut pas voir le drame qu’elle a rencontré avec la perte d’une
petite fille. On y voit comment la psychothérapie permet d’aller
clarifier les relations, libérer la parole.
« Il n’est pas suffisant d’avoir compris le problème pour régler le
problème » est l’une des phrases phare de la bande annonce, qui
fait l’éloge du passage à l’action dans la psychothérapie, du
premier pas et de la conduite de changement.
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