La place du téléphone portable dans l'intervention systémique.

 



L’apparition des téléphones portables en 1973 marque une révolution dans l’aire de la communication. Chacun utilise son téléphone portable pour communiquer de plus en plus souvent à n’importe quelle heure ou bien même se mettre en réseau sur une toile virtuelle créant ainsi l’illusion du lien ou reproduisant un lien social impalpable, laissant celui de la réalité, celui qui porte toute son humanité, et sa subjectivité aux abonnés absents. Il devient rapidement intrusif, prenant une place à part entière dans le quotidien. Un téléphone portable est consulté plus de 200 fois par jour. Véritable objet d’aliénation, il occupe une place surprenante dans les relations humaines :

Objet médiateur et objet de médiation … dans la séduction, les séparations, dans l’annonce des décès, des naissances, etc. Il devient un outil de gestion des étapes existentielles d’une vie.

Il sert également à la régulation des échanges quotidiens (gérer les achats, les papiers, penser au planning, s’assurer que les tâches sont faites ou à faire…), et du point de vue fonctionnel, on peut dire qu’il a une certaine utilité pour gérer le pilotage, le contrôle, la programmation, de la vie d’un système humain.

D’un point de vue stratégique, il permet de créer des alliances, voire des coalitions avec son enfant dans le cadre des séparations puisque l’un des deux parents peut trouver un moyen détourner de rester en relation avec son enfant sans maintenir le lien avec l’autre parent.

Transformé bien souvent en objet de pression, de chantage ou prise de pouvoir dans les séparations familiales : il permet à un parent d’imposer son choix éducatif en proposant un portable à son enfant quand bien même l’autre parent n’est pas d’accord. Il devient alors l’objet prétexte qui maintient la relation conflictuelle et les désaccords. Il se transforme alors en objet de la déloyauté pour l’enfant et occupe la place stratégique du maintien du conflit.

Et un phénomène s’invite aujourd’hui à la table de la réflexion systémique autour de l’objet numérique utilisé en thérapie.

Bien souvent et de plus en plus souvent, les patients sortent leur portable pendant la consultation pour faire lire des textos, montrer des photos et rendre le thérapeute témoin de sa vie. Plus qu’un objet de preuve qui me mettrait à la place d’un huissier. Je le considère comme un objet de la thérapie, parfois une personne à part entière, un élément du système. Au travers de ce portable se joue, non plus la vérité des mots ou d’une situation, mais la présence d’une tierce personne au travers de sa parole posée par sms. C’est parfois également une photo, qui vient poser le cadre d’un décor de vie, et qui vient parler d’une situation. L’occasion alors de rebondir sur ce qui est vécu à travers ces mots, ces photos, ces messages vocaux.

C’est encore l’objet médiateur de l’angoisse, quand le patient souffrant d’angoisse de séparation et de mort, cherche à appeler à tout prix sa compagne partie faire une course pendant la consultation. La thérapie va alors tourner autour du portable comme objet relationnel. Le portable est l’objet du lien. Comment alors aider le patient à laisser le portable sur la table… Et donc le lien en dormance le temps d’un instant. Il devient alors un véritable objet de reliance à la fois numérique et analogique. On pourrait presque parler d’un objet numéranalogique !

Soit représentant d’une personne ou d’une situation, soit représentant du lien et de la relation, le portable prend toute sa place d’acteur dans la thérapie systémique.

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