Intégration de la systémie à ma pratique professionnelle


 



Pour intégrer l’intervention systémique à ma pratique professionnelle, j’ai commencé par regarder ce que je faisais. Et cela tombe bien puisqu’on peut difficilement se séparer sans d’abord regarder de quoi l’on se sépare. Mais en regardant j’ai vu trouble tant j’avais de paires de lunettes sur les yeux. Psychologie positive, comportementale, analytique, etc. Qu’est-ce que je faisais au juste ? Comment j’aidais ? Il faut croire que la part d’inexplicable et d’hasardeux dans la thérapie mais également j’ose l’espérer ma qualité d’écoute, jouaient pleinement leur rôle pour parvenir à opérer le changement. Je commençais mes entretiens thérapeutiques par la recherche d’une causalité linéaire dans l’histoire du patient. Je recevais donc le patient identifié pour poser le diagnostic. Ce qui me permettait de rechercher l’information théorique et les pratiques thérapeutiques en lien avec le diagnostic posé. Je réalisais cette recherche dans divers courants psychologiques. Je portais de nombreuses paires de lunettes, sans y voir réellement flou. Car j’ai appris à naviguer dans la confusion et la complexité.

 

« L’esprit comme la nature a horreur du vide vide ». Victor Hugo.

En essayant l’intervention systémique, j’ai dû renoncer à ce que je faisais auparavant. Par petite touche impressionniste, j’ai inclus à ma pratique des morceaux de systémie. Ma préférence d’apprentissage se situe dans l’action davantage que dans la réflexion. Je n’ai donc pas attendu d’avoir une vision globale de la systémie pour faire des essais.

J’ai dû commencer par les premiers outils dont j’ai disposé : le questionnaire d’analyse de la demande. Mais comme je ne comprenais pas encore complétement le fond de ces questionnements, j’ai rapidement abandonné. Finalement c’est le sens que l’on donne et la relation que l’on entretient avec l’outil qui le rend pertinent pour la thérapie.

Ensuite j’ai dû essayer les bouchons, puis la carte structurale avec les familles bien que cela ne soit pas un outil analogique, j’ai tenté, essayé et à force de pratiquer des morceaux, j’ai pu accéder à une compréhension globale de l’intervention systémique, tenant compte à la fois de ses paradigmes, sa théorie, ses différentes approches, ses outils et toute la posture et la créativité nécessaire pour rendre à la discipline ce qu’elle a de plus pertinent et efficace.

 

« Quand je serai grand j’irai vivre en théorie, parce qu’en théorie tout va bien ». Pierre Desproges.

Parallèlement à ces essais, j’ai pu porter un regard sur mon fonctionnement. Travailler sur soi est incontournable afin de rester conscient de nos points faibles et ce sur quoi nous devons rester vigilent en situation d’intervention systémique. Non sans mal, j’ai appris à me découvrir et me comprendre un peu mieux pour ne pas chercher à me soigner au travers des relations thérapeutiques.

Cette introspection m’a aidée à comprendre et juguler mes difficultés face à certains patients.  Cela me permet aujourd’hui d’être beaucoup plus sereine et stable dans mes relations. Je sais aussi maintenant que certains de mes besoins peuvent se mettre au repos et n'ont pas leur place partout, tout le temps.

J’ai appris à m’adoucir, à être sécurisée donc sécurisante. J’ai appris à donner de la place au cœur et au corps même si mon approche du monde reste préférentiellement dans la tête. Je n’attends plus rien d’autres de la relation que ce pour quoi elle existe. J’ai appris enfin que toutes les épreuves de ma vie sont des compétences, j’ai donc traduit pour la première fois de ma vie, ce que je croyais être des fardeaux en compétences. Et je vois à quel point toutes mes difficultés me permettent aujourd’hui de mieux connecter avec celle des autres.

Ces transformations personnelles ont évidemment un impact professionnel. Et me permettent d’être en veille avec mes atouts, mes compétences et mes faiblesses.

 

« Le tout est plus grand que la somme des parties ». Aristote.

Une fois fait ce chemin impressionniste d’abord, par petite touche d’action, puis de travail personnel et enfin de compréhension des différentes approches ; j’ai pu accéder à une vision globale de ce qu’est l’intervention systémique. On ne peut envisager la totalité sans les parties et les parties sans la totalité. J’ai acquis au fur et à mesure, une nouvelle façon de penser, des reflexe et des automatismes de pensé, une vision élargie des situations et j’ai des repères relatifs aux différentes approches systémiques qui m’aide à aider les familles.

 

Connaître l'humain, c'est d'abord le situer dans l'univers, non l'en retrancher. Edgar Morin


Aujourd'hui je suis dans un territoire connu, j'ai une meilleure maitrise de ce que je fais, et du sens que j’y mets, je développe une vision systémique du monde. Il ne me semble plus concevable de voir le monde dans sa complexité autrement que de manière systémique. Tout est lié, tout respecte les mêmes lois, celle de l’univers : la physique, la biologie, la cybernétique, l’économie, les groupes sociaux, l’écologie, etc. Nous vivons dans une cohérence globale et une réalité plus grande qui dépasse de façon transdisciplinaire la seule compréhension analytique des choses. Cette vision du monde est la découverte la plus passionnante que j’ai pu réaliser et me donne une perspective nouvelle de toutes choses sur terre et de toutes les relations humaines. Avec cette définition de la systémie : « un ensemble complexe et organisé, d’éléments en interaction évoluant dans le temps en fonction du milieu et de finalités de telle sorte qu’une modification quelconque de l’un de ces termes entraine une modification de l’ensemble » (Ludwig von bertalanffy 1969), j’ai pleinement pris conscience de la façon dont tout s’imbrique dans un grand tout, et dont tout est interdépendant. C’est aujourd’hui également pour moi la vision la plus écologique que l’on puisse porter sur le monde et les relations humaines

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